Questions fréquentes
1. Le juge prononce-t-il systématiquement une mesure de protection ?
NON, une fois prouvée l’altération des facultés, le juge doit rechercher s’il n’existe pas d’autres moyens juridiques pour protéger la personne sans prononcer l’ouverture d’un régime de protection.
Il peut faire application :
– du droit matrimonial pour une personne à protéger mariée et mettre en œuvre des autorisations ou habilitations judiciaires ;
– du droit commun de la représentation et mettre en œuvre des pouvoirs et procurations consentis antérieurement à la procédure par la personne à protéger ;
– du droit des tutelles et son mode conventionnel de protection et mettre en œuvre un mandat de protection future, c’est-à-dire une convention par laquelle la personne à protéger a organisé à l’avance sa protection et celle de ses biens pour le cas où elle ne serait plus en mesure de le faire elle-même en raison de son état de santé physique ou mental.
2. Le médecin traitant de la personne à protéger peut-il rédiger le certificat constatant l'altération des facultés ?
NON, le certificat doit être obligatoirement établi par un médecin agréé, c’est-à-dire dont le nom figure sur une liste établie par le procureur de la République. Cette liste est disponible auprès des greffes des tribunaux judiciaires.
3. Comment le juge des tutelles détermine-t-il la mesure applicable à la situation ?
Trois principes doivent guider la décision du juge avant le prononcé d’une mesure de protection :
– le principe de nécessité : seule l’altération des facultés mentales ou corporelles, médicalement constatée et mettant la personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts, peut justifier une mesure de protection.
– le principe de subsidiarité : le juge peut opter pour l’un ou l’autre des trois régimes de protection uniquement s’il ne peut pas être pourvu aux intérêts de la personne par l’application d’autres dispositifs moins contraignants (application des règles du régime matrimonial, existence de procurations, mandat de protection future).
– le principe de proportionnalité : la mesure doit être adaptée à la situation du majeur à protéger et individualisée en fonction du degré d’altération de ses facultés personnelles. Ainsi, une curatelle ne peut être ouverte que si une sauvegarde de justice est jugée insuffisante ; une tutelle, que si une curatelle est jugée insuffisante.
4. Comment le juge choisit-il la personne en charge de la mesure de protection ?
Après avoir affirmé que « la protection est un devoir de famille et de la collectivité » (art. 415 al. 3 du Code civil), la loi fixe un ordre de priorité. Parmi les personnes pouvant assumer la charge, le juge doit nommer :
1er : la personne choisie par avance par le majeur lui-même. Ce choix doit avoir été formulé par déclaration devant notaire ou par un acte écrit en entier de la main par la personne à protéger, daté et signé;
2ème : la personne avec qui la personne à protéger vit en couple ;
3ème : un parent ou une personne entretenant avec la personne à protéger des liens étroits et stables ;
4ème : si aucun de ces proches ne peut assumer cette charge, le juge doit désigner un professionnel. On parle alors de mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM). Le MJPM peut exercer à titre individuel, au sein d’une association tutélaire ou au sein d’un établissement de santé, social ou médico-social.
5. Le juge des tutelles peut-il choisir plusieurs personnes en charge de la protection ?
OUI, le choix d’une pluralité de protecteurs est possible. Elle peut s’avérer utile au regard de la composition du patrimoine et de la situation familiale de la personne à protéger. Il existe de multiples combinaisons. Ainsi, le juge peut :
– désigner un protecteur à la personne et un protecteur aux biens ;
– désigner des co-protecteurs ;
– répartir la tâche selon la nature des biens à gérer, par exemple confier à un protecteur la gestion des biens mobiliers et à un autre la gestion des biens immobiliers ;
– confier à un protecteur adjoint la gestion d’un bien particulier, comme une entreprise et à un membre de la famille, la gestion du reste du patrimoine.
6. Le protecteur familial peut-il être rémunéré ?
NON, la mission s’exerce à titre gratuit dès lors qu’elle est confiée à un membre de la famille au nom de la solidarité familiale. Toutefois, le protecteur a droit au remboursement des frais réels qu’il a engagés pour exercer sa mission. Il existe deux exceptions :
– le juge des tutelles peut autoriser le versement d’une indemnité au protecteur familial face à un patrimoine important à gérer ou des difficultés à exercer la mesure. Cette indemnité peut être ponctuelle ou régulière. Elle est prélevée sur les revenus de la personne protégée.
– lorsque la mission est exercée par un MJPM, sa rémunération est fixée par décret selon un barème calculé en fonction des ressources et du patrimoine de la personne protégée. Le financement est assuré par la personne protégée ou si elle ne dispose pas de revenus suffisants, partiellement ou totalement par la collectivité publique.
7. Le juge des tutelles peut-il prévoir le contrôle de la personne en charge de la protection ?
OUI, le juge peut désigner un subrogé tuteur ou curateur pour surveiller les actes réalisés par le tuteur ou le curateur. Il doit avertir le juge des tutelles s’il constate des anomalies ou des erreurs. Cette tâche peut être confiée à un membre de l’entourage de la personne protégée ou à un professionnel. Le subrogé tuteur ou curateur est destinataire du compte rendu annuel de gestion établi par le protecteur et il doit le contresigner. Le subrogé tuteur ou curateur a également pour mission de remplacer le protecteur lorsque ce dernier est en conflit d’intérêts avec son protégé pour la passation d’un acte (ex : un frère, tuteur de sa sœur appelé, avec cette dernière, à la succession de leur mère).
8. Comment préserver l'autonomie de la personne protégée ?
1. En lui conservant son cadre de vie. La personne protégée choisit librement son lieu de vie. Son logement, qu’il s’agisse d’une résidence principale ou secondaire doit être conservé le plus longtemps possible, tout comme son mobilier, ses souvenirs et ses objets personnels (art. 426 du Code civil). Si la vente s’avère nécessaire, l’autorisation du juge et avis d’un médecin agréé dans certains cas seront nécessaires.
2. En lui conservant ses comptes bancaires. Vous devez respecter les habitudes bancaires de la personne protégée. Si l’intérêt de la personne le nécessite, vous pourrez réaliser les modifications (placements) des comptes bancaires sans autorisation du juge, laquelle ne sera nécessaire que pour les seules clôtures de comptes ou livrets ouverts avant la mesure et pour les ouvertures de comptes ou livrets dans un nouvel établissement (art. 427 du Code civil).
9. Qu'entend-on par respect des libertés et des droits fondamentaux ?
La personne protégée, quel que soit le régime choisi par le juge, ne peut pas être privée de certains droits :
– elle doit recevoir son courrier personnel ;
– elle doit choisir librement ses relations personnelles. Elle peut entretenir des relations avec qui elle souhaite, parent ou non. Elle a le droit d’être visitée et d’héberger les personnes qu’elle désire. En cas de difficulté, vous devez saisir le juge ;
– elle doit être informée du déroulement de la mesure de protection : elle doit avoir accès aux informations la concernant, ainsi qu’à une information claire, compréhensible et adaptée sur la procédure s’appliquant à elle et sur son déroulement. Vous devez toujours rechercher, dans la mesure du possible, son consentement ;
– elle doit conserver son droit de vote.
10. Des actes échappent-ils totalement à l'action du protecteur ?
OUI, les actes strictement personnels. Le législateur a considéré que ces actes relevaient tellement de l’intime qu’ils ne pouvaient appartenir qu’à la personne protégée. Pour ces actes, vous ne pourrez jamais assister ou représenter la personne, et ceci même si cette dernière est totalement incapable d’y consentir. Aucune autorisation judiciaire ne peut faire échec à ce principe. Il s’agit d’actes à caractère essentiellement familial, dont notamment :
– la déclaration de naissance ou la reconnaissance d’un enfant ;
– les actes de l’autorité parentale ;
– la déclaration du choix du changement de nom d’un enfant ;
– le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant ;
– la rédaction ou révocation d’un testament.
11. La personne protégée peut-elle librement se marier ?
En tutelle et curatelle, l’autorisation préalable du juge ou du curateur a été supprimée au profit d’une information préalable du protecteur, qui disposera d’un droit d’opposition en cas de projet portant atteinte aux intérêts de la personne protégée.
12. La personne protégée peut-elle librement se pacser ?
En tutelle et curatelle, aucune autorisation préalable du juge ou du curateur n’est requise. La personne protégée devra seulement être assistée par le protecteur pour la signature de la convention de PACS.
La rupture du PACS à l’initiative du tuteur reste soumise à autorisation du juge.
13. La personne protégée peut-elle librement divorcer ?
En tutelle et curatelle, la personne protégée peut accepter seule le principe de la rupture du mariage, sans considération des faits à l’origine de celle-ci. La personne en curatelle exerce l’action en divorce avec l’assistance du curateur. La personne sous tutelle est représentée par son tuteur pour exercer cette action.
Lorsqu’une demande de protection est déposée, aucune demande en divorce ne peut être examinée avant la décision du juge des tutelles.
14. Par qui et comment sont prises les décisions médicales concernant la personne protégée ?
Quel que soit le régime de protection prononcé, la personne a le droit de disposer d’une information médicale claire, précise et adaptée à ses facultés de compréhension, délivrée par son médecin. Il lui appartient de consentir seule aux actes médicaux, vous n’avez pas à intervenir. La personne peut ainsi refuser de se soigner. Seul son médecin pourra passer outre sa décision, dès lors que l’acte médical est indispensable et destiné à lui sauver la vie. Si la personne protégée n’est pas en mesure d’exprimer sa volonté et si elle n’a pas désigné de personne de confiance, vous devez consentir aux soins même pour des actes pouvant porter gravement atteinte à l’intégrité corporelle de la personne.
15. Pouvez-vous accomplir librement tous les actes patrimoniaux ?
NON, vous allez rencontrer trois types d’actes, dont la qualification déterminera vos pouvoirs :
– l’acte conservatoire permet de sauvegarder le patrimoine ou de soustraire un bien à un péril imminent ou à une dépréciation inévitable sans compromettre les prérogatives du propriétaire. Il s’agit d’un acte de protection n’engendrant pas d’appauvrissement (ex : souscription d’un contrat d’assurance sur un bien).
– l’acte d’administration correspond à une opération normale de gestion d’un patrimoine. Il n’engage pas l’avenir, ne modifie pas la substance du bien et porte seulement sur ses revenus (ex : la perception de loyers).
– l’acte de disposition est l’acte le plus grave. Il modifie la composition du patrimoine par le transfert d’un droit ou la souscription d’un engagement juridique important (ex : la vente ou la donation d’un immeuble). Bien qualifier un acte, vous permettra de déterminer si vous pouvez agir seul ou avec la personne protégée, avec ou sans l’autorisation du juge des tutelles.
16. Un texte peut-il vous aider à qualifier les actes patrimoniaux ?
OUI, le décret n°2008-1484 du 22 décembre 2008, qui détermine la liste des actes regardés comme acte d’administration ou comme acte de disposition.
17. Quelles doivent être vos 1ères démarches ?
Vous devez rapidement :
– dresser l’inventaire des biens de la personne protégée dans les 3 mois de l’ouverture de la mesure pour les biens meubles corporels et 6 mois pour les autres biens. Il doit contenir :
→ une description des meubles meublants. Cet inventaire est réalisé, en présence de la personne si possible et de son avocat le cas échéant, par un officier public ministériel (commissaire-priseur ou huissier de justice) ou par vous-même en présence de deux témoins, qui ne sont ni au service de la personne protégée, ni à votre service ;
→ une estimation des biens mobiliers et immobiliers, dont la valeur est supérieure à 1.500 € ;
→ la désignation des espèces en numéraire ;
→ et un état des comptes bancaires, des placements et autres valeurs mobilières. Les établissements financiers ne peuvent pas vous opposer le secret professionnel.
– signaler l’existence de la mesure aux organismes bancaires, aux organismes versant des ressources (caisses de retraite, organismes sociaux, caisse d’assurance maladie….) et à toute personne ou organisme en relation financière avec la personne protégée (trésor public, banques, compagnies d’assurances, syndic de copropriété, services d’aide à domicile ….) ;
– ouvrir un compte ou livret au nom de la personne si elle n’en possède pas déjà un ouvert à son nom ;
– récupérer tous les moyens de paiement de la personne ;
– prendre les mesures conservatoires, vérifier notamment les polices d’assurances ;
– vérifier que la décision de mise sous protection a été transcrite en marge de l’acte de naissance de la personne en demandant un extrait. Ce n’est qu’une fois cette formalité effectuée, que la décision de mise sous protection est opposable à tous.
18. Quelles diligences devez-vous effectuer régulièrement ?
Vous devez :
– établir et réactualiser un budget ;
– réactualiser l’inventaire initial aussi souvent que nécessaire ;
– donner régulièrement à la personne, en les adaptant à ses facultés de compréhension, les informations sur sa situation personnelle et sur les actes envisagés pour elle, leur utilité, leur degré d’urgence, leurs effets et les conséquences d’un refus de sa part ;
– sauf dispense prévue par l’ordonnance ou jugement d’ouverture de la mesure, adresser au greffe du tribunal judiciaire, chaque année, un compte rendu de gestion de l’année passée faisant la synthèse des opérations réalisées. A ce compte, doivent être annexés un relevé de l’ensemble des comptes bancaires ouverts au nom de la personne au jour de l’établissement du compte et toutes les pièces justificatives (factures – impôts – etc.)
Une copie de ce compte est également remise à la personne, ainsi qu’au subrogé curateur ou tuteur s’il en a été désigné un.
19. Quels actes patrimoniaux vous sont interdits ?
Vous ne pouvez jamais accomplir même avec une autorisation du juge :
1° : un acte qui emporte une aliénation gratuite des biens ou des droits de la personne protégée (par exemple, la mainlevée d’une hypothèque sans paiement) ;
2° : acquérir d’un tiers un droit ou une créance que ce dernier détient contre la personne protégée ;
3° : exercer un commerce ou une profession libérale au nom de la personne protégée ;
4° : acheter les biens de la personne protégée ou les prendre à bail ou à ferme, sauf exception ;
5° : transférer dans un patrimoine fiduciaire les biens ou droits de la personne protégée.
20. Que faire lorsque que vos intérêts se trouvent en opposition avec ceux de la personne protégée ?
Protecteur familial, vous pouvez être en opposition d’intérêt avec la personne protégée. Tel sera le cas, par exemple, si vous engagez une procédure de divorce contre votre épouse, dont vous assurez la tutelle ; si vous devez accepter une donation consentie par votre père, dont vous assurez la curatelle renforcée …. Il vous appartient alors de faire intervenir le subrogé curateur ou tuteur, s’il a été désigné, ou à défaut, de demander la désignation d’un curateur ou tuteur ad hoc au juge des tutelles.
21. L'exercice de la mesure engage-t-il votre responsabilité ?
OUI, vous êtes engagé tant civilement que pénalement dans l’exercice de votre mission :
– Votre responsabilité pénale : si vous détournez le patrimoine de la personne protégée ou si vous abusez de son état de faiblesse, vous commettez un délit et vous encourez des peines allant de 3 à 7 ans d’emprisonnement et de 375.000 à 750.000 € d’amende.
– Votre responsabilité civile : dans l’exercice de votre gestion, vous devez apporter « des soins prudents, diligents et avisés », à défaut votre responsabilité pourra être recherchée. Ainsi, vous devrez répondre des dommages résultant de votre mauvaise gestion et ceci qu’ils aient été causés à la personne protégée ou à un tiers, volontairement ou non. Il est indispensable de vous poser la question de la nécessité ou non de souscrire une assurance responsabilité civile. Une telle assurance couvre les risques liés à l’exercice de la mesure pendant sa durée, mais également pendant le délai de prescription, c’est-à-dire cinq années à compter de la fin de la mesure.
22. A quel moment s'achève votre mission ?
Elle prend fin :
– à l’expiration du délai fixé par le juge des tutelles, en l’absence de renouvellement de la mesure ;
– par un jugement de mainlevée de la mesure rendu par le juge des tutelles après avoir constaté que la personne protégée a retrouvé ses facultés ;
– par un changement de protecteur décidé par le juge ;
– par votre mise sous protection juridique ;
– ou par le décès de la personne protégée ou par le vôtre.
23. Si les capacités de la personne protégée ne se sont pas améliorées à la fin de votre mission, la mesure est-elle tacitement reconduite ?
NON, vous devez saisir le juge avant la fin de la mesure afin qu’il la révise. Nous vous conseillons d’anticiper cette démarche en l’effectuant dans les six mois précédant la fin de la mesure initiale et éviter ainsi que le juge soit contraint de se saisir d’office. Si vous souhaitez que la mesure initiale soit maintenue, une seule pièce doit être produite : un certificat médical rédigé par tout médecin. Si vous souhaitez que la mesure initiale soit aggravée ou si vous souhaitez qu’elle soit renouvelée pour une durée plus longue que la durée initiale, les facultés de la personne protégée n’apparaissant manifestement pas susceptibles de connaître une amélioration, vous devrez produire en annexe de votre requête un certificat médical rédigé par un médecin agréé, inscrit sur la liste établie par le procureur de la République. Le juge va décider soit de maintenir la protection initiale, soit l’alléger ou soit la renforcer.
24. Quelles diligences doivent-être effectuées avant de clôturer la mesure ?
Sauf si le juge vous a dispensé de rendre les comptes de gestion, vous devez :
– établir, dans les meilleurs délais, le compte final de votre de gestion et le transmettre au greffier du tribunal judiciaire avec toutes les pièces justificatives ;
– dans les 3 mois de la fin de la mesure, remettre une copie des cinq derniers comptes annuels de gestion, du compte final, de l’inventaire initial et de ses actualisations à :
→ la personne anciennement protégée ;
→ à ses héritiers ou au notaire qu’ils vous auront désigné ;
→ ou à votre successeur.
Vous devez veiller à leur transmettre toutes les pièces nécessaires à la poursuite de la gestion ou à la liquidation de la succession (par exemple, les contrats d’assurances, les titres de propriété, les titres de pensions ….).